LE RÉGIME FIFO1 COÛTE À KOBILKINE LA CONFIANCE DES HABITANTS
Les échanges avec le Préfet de région ont permis, pour la première fois, aux salariés de défendre leurs droits

L’accumulation de millions de dettes pour non-versement de salaires par le groupe Promindustrie a déclenché une vague de protestations et de grèves de la faim chez les travailleurs détachés de Iamalie. Les autorités de police et les pouvoirs locaux ont été saisis, mais rien n’a pu être fait pour permettre aux ouvriers de toucher leurs salaires. Actuellement, dans le District de Iamalo-Nénètsie autant qu’à Saint-Pétersbourg, tout est mis en œuvre pour déboucher sur un règlement du conflit. Des témoins, notamment, sont interrogés dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Les partenaires sociaux font valoir au journal Pravda de l’Oural que l’intervention des autorités locales, avec à leur tête le gouverneur Dimitri Kolbilkine, pour obtenir le paiement des arriérés de salaires, a été « quasiment sans effet ». En attendant, le nombre de plaintes déposées à la police locale et de demandes de vérification mettant en cause la compagnie ArticStroïMost, ancien sous-traitant de la Magistrale transpolaire, croît de façon explosive. ArticStroïMost doit à ses salariés près de 280 millions de roubles d’arriérés de salaires. Les observateurs politiques estiment qu’en se tenant à l’écart du règlement de ce problème, le gouverneur et ses collaborateurs risquent d’affaiblir sérieusement la confiance de la population envers le pouvoir.

La tension monte dans le District autonome de Iamalo-Nénètsie (Iamalie),en raison de l’immense vague de protestations des travailleurs détachés exigeant le respect de leurs droits salariaux. Ce sont surtout les filiales des groupes « PG » et « Promindustrie » ainsi que l’ex-opérateur de la Magistrale transpolaire, « ArticStroïMost », qui sont mis en cause par les ouvriers et les autorités de police. Les salariés des employeurs indélicats regrettent l’absence de réaction de la part des autorités de contrôle et de surveillance. Les procureurs de Iamalie ainsi que les représentants fédéraux de l’Inspection du travail ont fait montre de leur propre impuissance à faire respecter le droit du travail en se cachant derrière l’appareil bureaucratique.

S’efforçant de faire évoluer la situation sur le plan juridique, l’organisation syndicale du District autonome a formulé des propositions concrètes qu’elle est prête à envoyer à la Douma de la Fédération de Russie. Les militants déplorent qu’il ait fallu attendre une consultation avec le préfet de la région de l’Oural, Igor Kholmansky, pour que les revendications répétées des syndicalistes soient enfin entendues.

Dans ce climat délétère, les politologues estiment que « en se tenant à l’écart du règlement du conflit, le Gouverneur Dimitri Kolbilkine a conduit à une totale perte de confiance de la population envers les pouvoirs régionaux ».

La fédération régionale des syndicats de Iamalo-Nénètsie achève la rédaction des documents qu’elle envisage d’adresser à la Douma de la Fédération de Russie. Ses propositions visent à renforcer les droits salariaux des ouvriers employés par les sous-contractants sur leurs chantiers. Les syndicats s’opposent avant tout au système du « travail intérimaire » qui conduit à priver les salariés de leurs droits sociaux.

Par définition, le “travail intérimaire” se caractérise par une relation triangulaire entre une entreprise cliente, une agence de travail temporaire et un salarié. Dans les faits, l’agence intérimaire établit un contrat de mission avec le salarié, et en échange d’un paiement, met ce salarié à disposition de l’entreprise cliente.

Les syndicats dénoncent plusieurs entorses au droit du travail dans le système du travail intérimaire : impossibilité pour les travailleurs intérimaires de faire prendre en compte la totalité de leurs compétences professionnelles, limitation de leurs droits à percevoir une juste rémunération de leur travail, impossibilité pour eux de bénéficier d’une protection stable et assurée de leurs droits et absence de stabilité professionnelle. Il leur est presque impossible d’adhérer à un syndicat ou d’en créer un, de mener des négociations avec leurs employeurs et de défendre leurs intérêts. Au total, lorsqu’un travailleur détaché est employé par l’intermédiaire d’une agence d’intérim, il ne bénéficie pas d’une couverture sociale complète.

La Fédération des syndicats de Iamalo-Nénètsie propose de réglementer les activités des agences d’intérim en adoptant la Convention 181 de l’Organisation Internationale du Travail sur les agences d’emploi privées. Pour les militants, il faut obliger les « providers » à respecter les normes gouvernementales en matière de protection de l’emploi, réglementer leur activité et contrôler leur activité. Limiter le travail intérimaire figure aussi parmi les mesures proposées pour renforcer les droits salariaux des travailleurs détachés.

Les documents destinés à être transmis au Parlement proposent que « les entreprises opérant dans le District de Iamalo-Nénètsie mais inscrites au registre du commerce d’une autre région soient tenues de se déclarer à l’Inspection fédérale du travail en associant à cette procédurerles administrations fédérales et les organismes locaux d’autogestion intéresés.

Les militants estiment que l’article 56 du code du travail de la Fédération de Russie devrait être complété d’une nouvelle section indiquant que la qualité d’employeur sera attribuée à la personne morale ou à l’entrepreneur pour lequel le salarié intérimaire travaille effectivement. Cela permettra aux travailleurs intérimaires d’obtenir des informations fiables sur les conditions régissant leur travail et leur sécurité, de se regrouper en syndicats et de défendre leurs droits salariaux. Les militants préconisent aussi que la loi fédérale relative à l’emploi dans la Fédération de Russie interdise qu’une entreprise conclue un contrat de travail pour le compte d’une autre entreprise, que toute référence à la mise à disposition de personnel soit exclue du code général des impôts  et que les échanges d’informations entre les administrations soient décloisonnés afin de mieux contrôler la légalité des relations entre employeurs et salariés.

Lioudmila Ivanova, présidente de la Fédération régionale des syndicats de Iamalo-Nénètsie, souligne que les pouvoirs locaux ont été plusieurs fois alertés sur ce problème, mais ce n’est qu’après une consultation avec le préfet de région, Igor Kholmansky, qu’un premier pas a été franchi vers la résolution du conflit. Les conditions de travail sur les grands chantiers confiés à des entreprises sous-traitantes « ne visent qu’à humilier les salariés et à quasiment faire d’eux des esclaves. »

Lioudmilla Ivanova met également en exergue le fait que «  beaucoup d’entreprises du secteur pétrolier ou gazier en Iamalie emploient du personnel intérimaire sans avoir aucune responsabilité à leur égard. Parfois, les contrats conclus revêtent un caractère purement formel, quand ils sont même conclus. A cela s’ajoute le problème du ‘ travail au noir’, pratique qu’adoptent intentionnellement ces firmes pour ne rien avoir à payer ensuite. En outre, ces entreprises ont beau être enregistrées à Saint-Pétersbourg, à Ivanovo ou ailleurs, c’est le District de Iamalo-Nénètsie qui répond de tout. On ne sait rien d’elles sauf quand se produisent des incidents , des accidents mortels , une manifestation ou une grève de la faim. Car les gens qui travaillent dans ces entreprises ne sont pas seulements des ouvriers détachés ; il y a aussi des habitants de Iamalo-Nénètsie parmi eux, et tous sont amenés à travailler dans des conditions esclavagistes. »

Malgré cela, les autorités locales ne se sont guère empressées de se saisir du problème posé par ces employeurs peu scrupuleux venus d’autres régions. L’administration de Iamalo-Nénètsie a répété plus d’une fois au journal Pravda URFO que les autorités régionales n’avaient aucun pouvoir d’action contre les infractions au droit du travail. Actuellement, une liste des employeurs indélicats est en train d’être établie par un état-major régional anti-crise et l’Inspection fédérale du travail. Fin janvier 2017, l’administration du District de Iamalo-Nénètsie déclarait au journal Pravda URFO que les filiales de Promindustrie figureraient sur cette liste. Mais, actuellement, la liste mise en ligne sur le site de l’Inspection du travail date du 1er juillet 2016 et les entreprises du groupe Promindustrie, n’y figurent pas (…)

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[1] NdT: Fly in -Fly out.

Auteur: Non Indiqué.

Traduit du russe par Equipe Gazeta France-Oural.

Source: « Кобылкин теряет доверие населения вахтовым методом ».

Publié dans Ourfa Pravda le 07 mars 2017.

Source Photo: Wikipédia.

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