Gare Voronej
À Voronèj la police dégage l’accès à un chantier contesté

Le jeudi 20 octobre, des manifestants qui protestaient contre une opération immobilière non prévue sur l’avenue Lénine ont bloqué l’accès au chantier des camions de la société « Nouveau quartier ». Les policiers – deux pleines voitures – ne se firent pas attendre longtemps et exigèrent de dégager la circulation, menaçant les habitants de leur faire payer les dommages causés par l’arrêt du chantier.

Le journal internet « Le temps de Voronèj » fut averti de l’incident par des militants de la section régionale du Front national de Russie [1] ; quant à la suite des événements, nous la tenons de la bouche même des manifestants.

Le chantier objet de la confrontation a connu bien des scandales. Il devait d’abord prendre la place d’un complexe sportif mort-né. La construction de ce complexe avait débuté dans les années 1990 à l’emplacement d’un stade scolaire, mais après 20 ans d’efforts louables pour améliorer le niveau sportif du quartier, les habitants de cet ensemble de bâtiments standard de cinq niveaux ont fini par apprendre qu’ils n’auraient ni stade scolaire, ni stade municipal, mais bien une nouvelle tour de 18 niveaux dans les meilleures traditions d’implantation improvisée.

Rien d’étonnant à ce que la résistance prévisible des aborigènes du voisinage soit plus acharnée que d’habitude. L’une des initiatrices du mouvement, Elena Zalojnykh, a déclaré à notre correspondant que, de concert avec ses voisins, elle a envoyé 24 (!) plaintes, dont trois à Poutine. Des délégués de l’avenue Lénine ont effectué le déplacement jusqu’à la mairie et même aux bureaux du gouverneur Gordeïev.

Et voilà que – ô miracle ! –, au début de cette année, le chantier s’est arrêté au niveau de la fosse des fondations. Mais, en mai, les travaux reprirent avec une énergie accrue. Depuis ce moment, les protestataires ont eu bien des contacts avec la police. Quand les ouvriers poursuivaient le travail le samedi, les résidents faisaient venir la police, lui faisaient constater que les ouvriers n’avaient pas d’autorisation, et la police leur faisait arrêter le travail. Mais le dimanche, les ouvriers revenaient. En août, les manifestants passèrent à la vitesse supérieure. Ils organisèrent des sit-ins et bloquèrent même deux fois l’accès au chantier. Chaque fois, les policiers les ont forcés à se disperser sous peine d’amendes.

Mais cette fois-ci, les protestataires ont produit un document susceptible, à leur avis, de justifier le blocus du chantier.

« Le projet de construction, est-il dit dans le rapport officiel du service des permis de construire de la mairie, ne prévoit pas que les engins de chantier traversent les cours des immeubles existants… Suite aux nombreuses démarches des citoyens, le directeur de la société « Nouveau quartier » a reçu le 14.09.2016 un avertissement… »

- Les gros camions KAMAZ empruntent le passage de quatre mètres de large qui sépare une école maternelle du chantier et par lequel les enfants gagnent l’école. Comme l’ont expliqué les manifestants, il n’y a pas de trottoir. Si un camion chargé vient à la rencontre des passants, ceux-ci se protègent comme ils peuvent en se collant aux clôtures.

Quand ils montrent aux policiers la phrase disant que « le projet de construction ne prévoit pas… », les agents répliquent doctement que « ne prévoit pas » ne signifie pas « interdit », et ils exigent la dispersion des protestataires.

Il faut dire que le passage par un « accès scolaire » n’est pas le seul motif de plainte des militants, parmi lesquels figure un juriste professionnel pointilleux. La liste complète des infractions qu’il a relevées comporte neuf points.

Par exemple, le chantier a démarré sans permis de construire, et ce dernier n’a été obtenu qu’à la fin de l’été dernier.

Pas là de quoi ébranler les destinataires des plaintes. Une telle pratique est courante. Si l’on voulait toujours faire passer la charrue après les bœufs, on pourrait faire fermer la moitié des chantiers de Voronèj, et même les trois-quarts de ceux du centre ville.

Autre point mentionné : « la requalification d’un terrain d’une catégorie (équipements sportifs) vers une autre (immeuble de grande hauteur) n’a pas été précédée d’un débat public ». Mais c’est vraiment chercher la petite bête : jamais encore, à Voronèj, les débats publics n’ont eu un effet sur la décision finale. Les habitants du voisinage sont toujours contre les chantiers, les fonctionnaires sont toujours pour, et les choses suivent leur cours.

Viennent ensuite des petites broutilles : privation d’ensoleillement (ça dépend de quel côté on regarde), bacs à ordures qui débordent (vous fabriquez trop d’ordures, citoyens), accès pompiers encombrés (les pompiers en ont vu d’autres !).

Avec le point suivant, les plaignants passent vraiment les bornes : « Lors de l’édification de bâtiments de 5 à 9 niveaux, le coefficient d’occupation des sols ne doit pas dépasser 20%. Dans le cas précis, il est de 25% ».

Aux spécialistes de dire s’il y a là de quoi fouetter un chat. Mais le fait même de substituer une tour à un équipement sportif nuit à la bonne renommée des autorités municipales, surtout en période post-électorale. À condition encore que les plaintes aboutissent à la bonne adresse.

C’est la seule chance des manifestants dans une ville où ce sont les promoteurs qui font la loi.

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[1] NdT: Le Front national de Russie a été créé en mai 2011 à l’initiative de Vladimir Poutine dans le but de regrouper différents mouvements et courants politiques au service du progrès de la Russie.

Auteur: Alexandre Saoubanov.

Traduit du russe par Robert Giraud.

Source: « В Воронеже полиция разогнала пикетчиков, перегородивших дорогу бетоновозам ».

Publié dans Vremia Voroneja le 20 octobre 2016.

Source Photo: Wikipédia.

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