Nom d’un héros donné à une rue qui n’existe pas.

Le week-end dernier, une pétition citoyenne est apparue sur la plateforme internet change.org, une demande adressée au gouverneur de la région de Volgograd, Andreï Botcharov, exigeant qu’une route soit construite pour pouvoir accéder aux immeubles des rues Morozov et 8ème Armée de l’Air.

« Notre quartier, où vivent de jeunes couples avec enfants, est pratiquement coupé de la civilisation », ont écrit les protestataires. « En période de pluie, soit les secours ne viennent pas dans les rues I. Morozov et  8e Armée de l’Air soit, une fois parvenus à proximité, ils demandent qu’on leur achemine la personne à secourir vers la partie solide de la chaussée à 400-500 mètres de là. L’hiver, en l’absence de route, les services de nettoyage de la ville ne nettoient rien du tout, nous sommes obligés de le faire nous-mêmes à la main. De même, en l’absence de trottoirs, les piétons, dont  des écoliers, marchent sur la chaussée au risque  de se faire renverser par une voiture. Les précipitations transforment la route en un méli-mélo de boue. Il est très difficile d’arriver jusqu’aux magasins les plus proches ou jusqu’aux crèches. Il est impossible de se déplacer avec une poussette.

« Tel est le tableau désastreux que présente  la rue I. Morozov. « L’épopée » a débuté en 2010. Et elle perdure depuis six ans. C’est-à-dire deux ans de plus que la Grande Guerre Patriotique [1]. Mais à l’époque, nos valeureux ancêtres avaient réussi à percer une voie jusqu’à Berlin. Alors que  leurs descendants ne sont même pas capables de ménager un accès routier d’un demi-kilomètre. »

« Ivan Vassilevitch Morozov, héros de l’Union soviétique, né dans notre quartier d’Elansk, était un pilote renommé pendant la guerre. La rue a reçu son nom en 2010, à l’occasion de la commémoration du Jour de la Victoire.

Comme d’habitude, tout se déroula de façon très festive. Un ruban rouge fut coupée à sa mémoire au son d’un orchestre et d’une kyrielle de discours. Et l’on promit aux habitants : « la route sera construite au cours de la présente campagne de travaux ». Donc en 2010. Sur ce, le sujet de la construction de la route s’arrêta là.

La suite, ce fut un long chemin de croix pour les riverains  de la rue I. Morozov à travers les ornières de boue. Avant de sortir manifester dans la rue, en 2014, aux cris de  «Stop aux mensonges des autorités! ». Le cortège se déployait sur un kilomètre. Il semblait alors, qu’après une telle démarche, quelques mesures concrètes allaient s’en suivre.

Mais, cette fois encore, on en resta aux promesses : « l’administration décida que la future route relierait les rues I. Morozov et 8e Armée de l’Air qu’un trottoir permettrait à leurs habitants de se rendre  au lycée N°9 ».

Deux années se sont écoulées depuis lors. La rue I. Morozov se vautre, comme auparavant, dans la boue. Pour être juste, il faut dire qu’elle a été recouverte de graviers en 2014, lesquels, il est vrai, ont été pratiquement entièrement engloutis en peu de temps par la boue ambiante.

Et qu’en est-il de nos dirigeants qui du haut de leur tribune haranguent le peuple sur le soin à prendre, pour l’éducation patriotique de notre jeunesse, à bien commémorer la mémoire de nos héros ? Rien. Ils continuent de pérorer devant les micros et les caméras.

Dans leur pétition, les habitants de la rue I. Morozov s’adressent également aux candidats aux prochaines élections  à la Douma [2] : « Vos conseillers en image ont réservé une foule de panneaux aux slogans de  ‘Remettons de l’ordre’,  ‘Le parti des faits réels’, ‘Travail et résultat’,  ‘Le temps des nouvelles résolutions’, ‘J’entends la voix de chacun d’entre vous… Économisez votre budget en publicité visuelle, commencez par montrer et démontrer vos promesses par des faits. Ce sera et de loin, plus probant  et plus efficace que de belles paroles sur des panneaux publicitaires… »

Pour le moment, aucun de ceux à qui la pétition avait été adressée  n’a réagi : le gouverneur est en congé et c’est le silence du côté des vainqueurs des primaires du parti au pouvoir. Peut-être sont-ils aussi en repos mérité ? Tout de même, ils avaient beaucoup insisté pour obtenir des  élections anticipées. A présent, ils reprendront leurs esprits et les belles paroles recommenceront de nouveau. D’autant que c’est bientôt le  12 juin, le Jour de l’indépendance de la Russie [3]. Il y faudra parler avec emphase de patriotisme et d’hommage aux générations passées.

Entre-temps, la boue de la rue qui porte le nom d’un héros de la Grande Guerre Patriotique et que la jeune génération charrie vers les crèches et les écoles au moment de la débâcle de printemps, sous les imprécations- compréhensibles- de leurs parents, ne favorise en rien l’éducation au  patriotisme. C’est plutôt le contraire. Les enfants apprennent dès leur plus jeune âge que les paroles des personnes au pouvoir sont une chose et leurs actes tout le contraire..

PS : Nous aimons bien à Volgograd donner à nos rues des noms de héros. Ou les renommer. En général, c’est là que s’arrêtent les efforts de rénovation de la ville. C’est qu’un nom, une appellation, ce n’est  pas une baguette magique.

Le héros de la guerre I.V. Morozov n’a pas vécu jusqu’à nos jours. Il est décédé en juin 2010. Mémoire lui soit rendue !


[1] NdT: appellation russe de la Seconde Guerre Mondiale.

[2] Ndt: Chambre basse du Parlement.

[3] NdT: Fête nationale de la Fédération de Russie.

Auteur: Non Indiqué.

Traduit du russe par Charlène Ballu.

Source: « БЕЗДОРОЖЬЕ ИМЕНИ ГЕРОЯ ».

Publié dans Oblvesti.ru le 07 juin 2016.

Source Photo: Wikipédia.

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