Province Russe: Roman Sentchine

Entretien avec Roman Sentchine,

sur la province russe


Né en 1971 dans la république de Touva. En 1993, sa famille s’installe à Krasnoiarsk dans une situation très précaire. Il est considéré comme un représentant du nouveau réalisme russe et  ses romans ont reçu un accueil enthousiaste du public russe. Son roman Les Eltychev a été publié en 2013 par les Editions Noir sur Blanc.

Comment définiriez-vous la littérature issue de la province russe ? Quels auteurs et quels livres pourriez-vous recommander à des étrangers qui souhaiteraient découvrir la province russe ?

Ces quinze dernières années (depuis les années 2000/2001 environ), les thèmes liés à la vie dans les grandes villes ont peu à peu perdu la première place qu’ils occupaient dans la littérature russe. Après une vingtaine d’années dans l’ombre (1980/1990), on a vu revenir à la littérature ou plus exactement sont apparus de nouveaux auteurs de la province. Ceci s’est produit grâce  au Prix « Debut », aux  forums des Jeunes Écrivains de Russie et également au développement d’internet.

Il n’est plus indispensable de résider à Moscou pour être publié  et se faire une place parmi les auteurs en vue. La plupart des jeunes auteurs de renom des années 2000/2010 ne sont pas seulement originaires de la province, ils y vivent encore.

Ainsi, Denis Goutsko et Gleb Didenko résident à Rostov ; Dimitri Novikov et Irina Mamaeva à Pétrozavodsk ; Zakhar Prilepine et Anna Andronova à Nijni Novgorod ; Leta Iougaï à Vologda ; Vassili Avtchenko à Vladivostok ; Alexeï Lesniansky et Daria Veriasova à Abakan ; Ivan Klinovoï à Krasnoïarsk ; Anna Russ à Kazan ; Roman Bogoslovsky à Lipetsk …. Il va de soi que ces auteurs (ainsi que beaucoup d’autres) parlent principalement de la vie dans la province russe. Et comme la Russie est immense et diverse, la production littéraire contemporaine est à multiples facettes. Il faut que les lecteurs fassent l’effort de la découverte plutôt que de se nourrir uniquement de la littérature commerciale des auteurs fortement médiatisés.

On observe cependant que certains écrivains migrent de la province vers la capitale, et c’est inévitable. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y en a également qui quittent Moscou pour la province. Mikhaïl Tarkovski est un exemple de cette tendance. Il vit depuis longtemps dans la région de Krasnoïarsk. Illiya Kotcherguine a vécu quelques années dans l’Altaï et vit maintenant dans la région de Riazan. Le regard que pose un Moscovite installé en province sur la vie des villes et des villages éloignés de la capitale est très intéressant.

C’est à Volgograd et Kalatch-sur-le-Don bien loin de Moscou, que réside Boris Ekimov, un grand auteur classique de la littérature russe contemporaine. Depuis près de quarante ans, son œuvre  constitue une véritable chronique de sa région.

On voit se développer en province des genres littéraires très divers. Certains auteurs écrivent des romans policiers, d’autres des œuvres fantastiques ou des romans d’amour… On observe toutefois que ces genres ont en province un coloris particulier, lié au terroir. Mais la prose réaliste est la plus présente. De nombreux écrivains ont envie de raconter ce qui se passe dans leur ville, dans leur village et ces documents artistiques font parfois découvrir aux lecteurs des réalités inconnues de leur propre pays.

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